Les enfants de la Creuse – scandale français oublié
- Samantha Deveaux
- 6 mars 2018
- 2 min de lecture
Entre 1970-1980 Angela Savrimatou, habitant à l’île de la Réunion, est une mère célibataire de six enfants. Rencontrant des difficultés pour s’en occuper, elle décide de faire appel à une assistance publique. La décision fut prise de placer les plus jeunes dans un foyer temporairement. Temporairement ? Le désespoir dans lequel se trouva cette femme après la disparition soudaine de ses enfants ne le fut pas. « Vos enfants sont partis. » Angela resta avec cette seule information pendant plus de 50 ans.
Les histoires de ce type sont très nombreuses sur l’île : des nouveau-nés qui disparaissent des maternités en passant par des mensonges ouvertement prononcés par les autorités publiques. « Laissez-nous envoyer vos enfants en métropole pour qu’ils puissent bénéficier d’un avenir bien meilleur que s’ils restaient sur l’île », disaient-il. « Vous les révérez tous les deux ans, l’Etat s’occupe des billets d’avion ». Douce illusion. Entre 1966 et 1982, au moins 2150 mineurs réunionnais quitteront l’île de force et seront répartis dans 64 départements de l’Hexagone, perdant absolument tout contact avec leur île natale. Mais comment cela a pu-t-il être possible ?
En 1948 déjà, l’inspecteur général Jean Finance déclare que la seule solution qu’il voit pour résoudre le surpeuplement de l’île et le dépeuplement de certains départements métropolitains est l’exportation de la population. Des milliers d’enfants seront ainsi victimes de cette « solution ».
Ministère des affaires sociales, élus, directeurs de Dass, travailleurs sociaux, institutions associatives et religieuses, à la Réunion comme en Hexagone, tous étaient au courant des conditions de vie terribles et de la souffrance que pouvaient vivre ces enfants déportés.

Nombreux sont les enfants qui comprirent rapidement qu’ils étaient différents des autres, d’autres étaient victimes de racisme, de maltraitance, d’agressions sexuelles. Certains paysans ne les voyaient ni plus ni moins comme de la main d’œuvre gratuite. Ceux qui ont eu plus de chance n’en restent pas moins les enfants volés de la Réunion et ont vécu parfois des vies entières dans le mensonge et l’ignorance. Cette sordide histoire est probablement l’exemple le plus marquant de l’incompétence extraordinaire des pouvoirs publiques quant il s’agit des enfants en difficulté. Mais le mensonge n’est pas immuable, la vérité reste là toujours, plus ou moins cachée.
Et il arrive que parfois, sans faire attention on la trouve. Valérie Andanson l’a retrouvée dans des vieux cartons. Découvrir qu’elle avait deux identités a été un choc immense. Mais après bien des recherches, elle retrouva sa véritable famille. Par la suite, elle est devenue secrétaire de la Fédération des enfants déracinée de la DROM. Angela Savrimatou avec qui nous avons commencé l’article, retrouva ses enfants disparus 50 ans plus tard. Plus de 1000 autres enfants ont également pu retrouver leur famille d’origine. Mais la retrouver n’est qu’un premier pas. En parler davantage dans les manuels scolaires, créer un musée virtuel, avoir un accompagnement psychologique, avoir des billets d’avion pris en charge par l’Etat… de nombreuses demandes sont en cours voire en attente.
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