Chère laideur

En juin 2016, Alicia Keys déclarait renoncer complètement au maquillage, dans une dynamique de changement personnel. Et pas seulement pour suivre la tendance de No make up (qui consiste, quoi qu’en disent les ignares de Marie Claire, à cesser de se maquiller). En fin d’année dernière, c’est Sarah Forestier qui lors d’une interview faisait le buzz en se présentant sans maquillage.

Mon admiration pour ces deux artistes, la pertinence de l’interview de Sarah Forestier et plus largement une certaine prise de conscience quant à mon rapport avec le maquillage et avec mon propre visage m’ont poussé à tenter l’expérience : arrêter de me maquiller.

Malgré un maquillage quotidien léger ces dernières années, voire inexistants pendant les douces années de prépa, souvent synonymes d’absence de style pour cause de tentative de survie en milieu hostile, l’arrêt total reste difficile. L’habitude régit nos vies, tout changement implique des efforts et cela est valable même pour notre propre visage.

Longtemps habituée à voir un visage maquillé dans le miroir, l’arrivée d’un visage imparfait choque. Qui est donc cette personne aux petits yeux cernés, aux nombreuses imperfections, que je croise furtivement dans le miroir en pleine après-midi ? Il semblerait que ce soit moi. Un moi naturel, sans artifice, que sur le moment j’ai trouvé incroyablement laid.

Si ma prépa littéraire était un environnement dans lequel l’apparence n’avait que peu d’importance, ce n’est pas le cas en école de commerce.

Nous sommes et serons jugés sur notre physique en premier. Peu importe que nous soyons des gens brillants, intéressants, c’est notre photo de cv qui primera.

Arriver le matin devant tant de gens apprêtés, avec un visage qu’on trouve laid, n’est pas simple. Les premiers jours sont vraiment compliqués (j’avoue avoir fait quelques compromis hihi) mais les résultats sont à la hauteur des efforts à fournir.

Après m’être forcée à regarder ce nouveau visage, j’ai fini par l’accepter comme le mien, malgré ses défauts, et à l’afficher face au monde sans problème. Le No Make Up fait du bien à la peau, débarrassée des tares du maquillage / démaquillage, à l’environnement, à la vie pratique (0 minute de perdue le matin) et surtout à l’estime de soi. Le No Make Up, à partir d’un certain temps, apporte un détachement par rapport à l’apparence, une détente dans la vie quotidienne, on ressent beaucoup moins la pression du regard des autres.

Comme si notre moi intérieur s’était condensé, affirmé et existe juste, sans que quiconque ne puisse le changer. Autre changement notable : une impression de proximité, d’honnêteté et de vérité avec les autres. Comme si les couches de maquillage d’auparavant avait mis une distance, qui maintenant a disparu. Voilà mes impressions personnelles et je recommande vraiment cette expérience, même si je sais que le rapport au maquillage et à soi est complexe et peut fortement varier en fonction des personnes.

Je connais aussi cette pression que subissent les femmes, qui doivent toujours être parfaites, belles, minces, bien maquillées, bien habillées, s’affirmer, mais ne pas le faire trop fort, ou le faire mais toujours sur leurs hauts talons.

Même Cristina Cordula, déclarait dans son émission que le No MakeUp était mignon, mais que tout le monde n’était pas Alicia Keys et ne pouvait donc pas se le permettre. Je me le suis quand même permis et je le vis très bien. Parce que même si je n’ai pas le physique d’Alicia Keys, j’ai d’autres qualités et des choses à dire. Nous trouvons généralement beaux les gens que nous aimons, aimons-nous assez et trouvons-nous belles et beaux, sans laissez ce choix à d’autres. Et puis, derrière cette petite cicatrice, il y a un événement de mon enfance, derrière ce bouton, il y a une adolescence qui met du temps à passer et derrière ces cernes, il y a des heures de ma nuit passées à écrire pour le Zitung, ça valait le coup, non ?