La théorie du ruissellement pour les nuls
- Naoufal Boumkass
- 24 nov. 2017
- 3 min de lecture
Première intox déjà il n’y a pas à proprement parler en économie de théorie du ruissellement, il n’y a non plus d’économistes qui en ont fait un domaine de recherche. Ironiquement le terme est plus un argument politique qu’économique, bien évidemment certains économistes notamment John Kenneth Galbraith l’ont utilisé pour critiquer une politique de l’offre mise en œuvre par des gouvernements à priori libéraux mais cela n’empêche qu’il n’y a aucune base scientifique ou statistique à cette théorie.
Alors c’est quoi au juste que la théorie du ruissellement ? Tout simplement la réduction des impôts sur les plus riches augmenterait la dynamique de la vélocité de la monnaie c’est-à-dire la vitesse de circulation de celle-ci dans l’économie, car par principe de cette théorie moins d’impôts mènent à plus de consommation des ménages les plus aisés qui finirait par bénéficier ceux les moins aisés. En gros plus les riches sont riches, moins les pauvres sont pauvres. Seul bémol il n’y a aucune étude qui permet de vérifier ce raisonnement économique, pire encore tous les indicateurs économiques existants démentent cette relation de cause à effet.
Allant point par point, tout d’abord ce raisonnement est une perversion de la théorie keynésienne sur la consommation, car comme tous ceux qui ont étudier la micro-économie savent qu’un revenu plus élevé diminue la propension du ménage à consommer et inversement augmente sa propension à épargner sauf que même si cette épargne est une sorte de consommation ultérieure, la première critique du modèle keynésien c’est que c’est établi sur un circuit économique fermé donc sans prise en compte de la mondialisation, deux mots clés pour réduire à néant l’idée du ruissellement : « paradis fiscaux ». Tout simplement les riches préfèrent placés leur argent hors du territoire national comme révélé dans les Panama Papers et autres scandales financiers.
Puis ensuite il y a l’argument de l’investissement car la baisse d’impôts concerne aussi les entreprises en tant que personnes morales et donc agents économiques, mais une baisse en générale est plus une perte qu’un gain de produits, en effet un ciblage en faveur des PME serait mieux pressenti mais l’idée du ruissellement veut que ça doit venir du haut donc des multinationales et grandes entreprises, même constat, il est toujours question des deux mots clés : « paradis fiscaux ».
Rationnellement parlant les ménages qui ont besoin de « coup de pouce » étatique sont supposés être les pauvres et les classes moyennes, il n’est pas question ici d’un effet de ruissellement mais plutôt d’un effet de volcan(du bas vers le haut), un boost économique à ces ménages qui ont déjà du mal avec leur consommation de dépenser encore plus avec une épargne minimale(et il n y a pas de risque qu’ils la placent en paradis fiscaux hein), bref si c’est une dynamique de consommation et une vélocité de la monnaie dont il est question pour avoir un taux de croissance soutenu il faudrait plutôt privilégier les moins aisés, même si la vélocité a une tendance inflationniste, une politique monétaire bien cernée permettrait de freiner l’inflation sous la barre de 1,5%(un des critères de convergence du traité de Maastricht).
Alors pourquoi supprimer l’ISF et de le remplacer par l’IFI plutôt que de réduire les impôts des ménages les moins aisés ? Pour combattre l’exil fiscal ? Il n’y a pas de corrélation existante entre taxation progressif et fuites des capitaux, ce n’est pas l’exemple de Florent Pagny ou de Gerard Depardieu qui va confirmer cet argument, encourager l’épargne dans les actifs boursiers ? oui me ne serait-il pas mieux en parallèle de taxer les transactions financières ?
La politique d’offre du gouvernement est inquiétante car elle semble ne pas être ciblé, faire confiance à des ménages aisés en leur offrant plus d’argent en partant de l’hypothèse que rationnellement cet argent sera réinvestit sur le territoire français paraît anodin, surtout que le prix Nobel d’économie de 2017 fut décerné à Richard Thaler, un spécialiste de l’économie comportementale et père-fondateur du nudge qui stipule que les agents économiques sont irrationnels et qu’ils ont besoin d’un petit coup de pouce pour accompagner leurs choix.
Un style paternaliste de la part du gouvernement serait salutaire pour guider les ménages dans leurs choix plutôt que de leur faire des cadeaux gratuits en espérant qu’eux aussi ils fassent de même plus tard, cette confiance à l’aveuglette n’est pas sollicité pour un gouvernement qui se veut d’être performant et professionnel surtout en exonérant les yachts et les jets privés, parfois pour guider les agents économiques dans des choix rationnels il faut l’être aussi apparemment…
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